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© D. R.
Chansons, photos, courts-métrages, Axelle Mallet a déjà exploré de nombreux modes d’expression. A travers ses romans, elle poursuit sa découverte en se jouant des images et des mots.
Avez-vous toujours rêvé d’être romancière ou êtes-vous devenue auteure un peu par hasard ?
J’ai toujours eu beaucoup de rêves mais JAMAIS celui d’écrire ! Je pense que le côté solitaire, statique et introspectif nécessaire à cette activité (comme à la lecture d’ailleurs) m’a toujours stressée. D’autant qu’il m’en souvienne et depuis ma plus tendre enfance, même lorsque ma passion pour le sport, (malheureusement incompatible avec ma structure ligamentaire…) me clouait au lit pendant de longues semaines, j’ai toujours eu du mal à plonger dans des livres ou à remplir des pages blanches. Du coup, dès que je retrouvais mon autonomie physique, je préférais sauter dans une paire de baskets et avaler des kilomètres en forêt ! Ça va mieux maintenant ! Avec l’âge, j’arrive à me poser ! Mais je me suis toujours sentie plus à l’aise dans l’action, le mouvement et l’agitation. Mon imagination et ma créativité ont donc tout naturellement suivi le pas (ou les baskets…) et se sont toujours plus facilement révélées à mon esprit par le visuel et l’image animée plutôt que par la lecture, l’écriture et l’art du verbe. Et puis, à l’aube de mes trente-six ans, lors d’une énième opération m’imposant l’immobilité pendant près de trois mois, une de mes amies très proches a trouvé les mots justes. « Avec toutes les histoires que tu as dans la tête, quand vas-tu te mettre à écrire ?!». Pari… défi… envie de ne pas décevoir ? Je ne savais plus (Ah morphine, quand tu nous tiens !). Alors, je me suis lancée…
Vous êtes une touche-à-tout : photographie, chanson, poèmes, romans. Quel mode d’expression préférez-vous ?
Ce que j’aime par-dessus tout est CRÉER ! La photographie et le film ont peut-être une longueur d’avance dans mes préférences mais que ce soit la musique, le chant, la poésie, l’écriture, le dessin (la couture ou même le bricolage ! MDR !), chacun reste un moyen à part entière de matérialiser mon imaginaire et de m’exprimer. Chacun capte, accroche mon attention en fonction de mes humeurs, pour bouter l’ennui hors de mes frontières. Je suis un vrai gémeaux… plusieurs facettes complémentaires et non palliatives.
Votre premier roman " Retour de Flamme" est sorti en 2003 et a été un gros succès de KTM éditions. Pouvez-vous nous parler un peu de la genèse de cette histoire et de son écriture ?
La genèse de " Retour de Flamme" ! Vaste sujet.
Pour parler du fond, et comme je le disais plus haut, le point de départ de ce livre fut une sorte de pari, un défi que j’ai finalement décidé de prendre à mon compte. En effet, dans mon esprit, cette aventure n’avait pas vocation à édition mais à la découverte et au dépassement de soi. Certes, j’avais plein d’histoires dans la tête (les débuts, surtout… jamais les fins !) mais par où commencer lorsqu’il faut matérialiser sa pensée à travers un art inconnu qu’on ne maîtrise pas ? Étant une femme pragmatique dans l’âme, j’ai donc décidé de commencer par le début : trouver un fil conducteur, un message, un thème à conserver en tête tout au long du projet. Pour" Retour de Flamme", il fut assez évident : « Quoi que l’on dise, quoi que l’on fasse, on n’échappe jamais à ce qu’on est ». En effet, si on peut cacher sa réelle « identité » aux autres, à sa famille, ses amis et collègues derrière toutes sortes d’artifices et pantomimes (ce que je pratiquais inlassablement à l’époque), on ne peut jamais se mentir à soi-même. Un jour ou l’autre, il faut s’assumer. Peu à peu, cette phrase est devenue une maxime, une règle de pensée et, curieusement, tout s’est mis en place. Les situations, intrigues, rebondissements, tenants et aboutissants ont clairement fait leur apparition et, au fil des pages, les personnages principaux et secondaires ont pris corps, se sont affinés, densifiés et articulés. Mon imagination, mes expériences personnelles, celles de mes amies, connaissances et entourage aidant, chacun a trouvé sa place, sa propre évolution et révolution.
Retour de Flamme n’est donc pas autobiographique mais une histoire qui permet de mettre en lumière des « évènements » intimes et publiques dans une situation bien précise pour dénoncer la stupidité, la médisance, la violence et l’incompréhension du monde face à la différence, mais également pour témoigner, sensibiliser et confirmer à ceux qui auraient encore des doutes, que l’Amour, la sincérité, le naturel et la sexualité, dans toutes ses représentations, restent des émotions nobles, universelles et digne de respect.
Concernant la forme et l’écriture à proprement parler, comme je n’avais en tête que des images, des plans, des cadrages et pas l’ombre d’un mot, d’une phrase ou d’une quelconque idée de la formulation d’une narration, j’ai tout simplement décidé de coller mon nez sur l’écran de l’ordinateur et d’écrire le plus ordinairement possible tout ce qui défilait dans ma tête. Après trois mois d’assiduité, de plaisir et de jubilation non dissimulées, j’avais devant les yeux ce qu’on peut appeler « un pavé » de 500 pages A4 ! Trois années supplémentaires furent donc nécessaires pour que les mots empilés les uns derrière les autres deviennent des phrases à peu près cohérentes, que les mouvements défilant dans ma tête se traduisent en narrations constructives et que la bande son chatouillant mes oreilles s’inscrive en dialogues plus ou moins pertinents. Finalement, après la cinquième refonte (ouf !), même si le format était toujours et encore très scénarisé (on ne se refait pas !), j’ai proposé mon « pavé » à mon cercle d’amies intimes qui, finalement, m’a poussée à contacter des maisons d’éditions. J’ai choisi KTM car Isabelle Le Coz est une de ces professionnelles qui sait de quoi elle parle sans jamais se prendre au sérieux. C’est grâce à elle si ce semblant de scénario est devenu un roman et franchement, je ne regrette pas !
Dans "Le Choix de La Reine", une adolescente de quinze ans surprend sa mère avec une autre femme. Elle le vit très mal et le dialogue se rompt entre la mère et la fille avant qu’elles ne puissent se retrouver. Entre la mère, la fille et la grand-mère, vous offrez trois portraits de femmes très fortes même si elles sont un peu perdues, non ?
Fortes, oui. Perdues, non. Je dirais plutôt aveuglées, résignées et un peu lâches parfois… Chacune de ces trois femmes, de générations différentes, assume sa vie, ses erreurs et ses choix (même douloureux…), sait parfaitement où elle va (ou veut aller…), persuadée qu’elle a une bonne raison de penser, d’agir et de vivre comme elle le fait. Chacune d’elle est forte, de bonne foi, plus ou moins lucide mais empreinte de son histoire, ses expériences, qualités, défauts, courages et contradictions. Là où cela devient intéressant, c’est justement, lorsque ces trois natures profondes et multiples se rencontrent autour d’une situation révélée et bien précise. Dans cette histoire, comme dans la vie, ce sont souvent les relations et conflits entre des individualités fortes, qui font apparaître des faiblesses dont la légitimité devient alors constructive. L’amour, le besoin et l’obligation de communiquer, d’échanger, de partager et de se remettre en question qui existent alors entre elles, les empêchent de se perdre tout à fait pour se trouver ensemble.
Dans "Retour de Flamme" et "Le Choix de La Reine", vos deux héroïnes craignent toutes les deux d’être rejetées si elles révèlent leur homosexualité. Pourquoi ce thème récurrent ?
Parce que même au XXIe siècle, dès que cela touche quelqu’un dans sa vie personnelle ou son entourage proche, l’homosexualité reste une incompréhension et donc une cause de rejet, de jugement et d’exclusion. Même si aujourd’hui, dans nos sociétés dites « civilisées, modernes et évoluées», des textes sanctionnent, condamnent et punissent tout excès de langage et de violence (physique ou morale), aucune loi ne peut empêcher certains regards de s’assombrir à l’annonce ou à la découverte de cette différence. Certes, les attitudes extérieures sont aujourd’hui plus fluides et politiquement correctes mais derrière ces sourires « façades » planent souvent la confusion, la peur, la désapprobation, voire une haine silencieuse qui se révèlent souvent dans la durée, jour après jour, dans les actes du quotidien. Alors, oui : le rejet et l’exclusion sont des thèmes récurrents dans mes romans car ils sont castrateurs, nous obligeant toujours à contourner plutôt qu’aller tout droit. Au-delà d’espérer ouvrir l’esprit de nos juges et bourreaux, en pointant du doigt leurs responsabilités dans le déroulement de nos vies, nos choix et nos contraintes ainsi définies, je souhaite également, à travers mes personnages et histoires, encourager la visibilité, seul moyen à mon sens de casser les préjugés, d’informer, démystifier, éduquer et accompagner notre entourage (parfois très proche) dans l’apprentissage d’une communication et d’un partage riche et sain.
Tina et Elena sont des personnages à l’identification très facile, parce qu’elles ne sont pas des super-héroïnes aux réactions parfaites. Elles doutent, se trompent, renoncent. Vous n’avez jamais eu peur qu’on les trouve un peu passives ?
Tina et Elena ressemblent tout simplement à beaucoup de femmes homosexuelles ou non, existant dans ce monde. Déjà, parce qu’elles sont des femmes ! Si on regarde les choses d’un point du vue global, les femmes, en général, doutent, se trompent et renoncent souvent parce qu’elles se posent toujours plus de questions, réfléchissent, évaluent l’impact de leurs actes, les conséquences de leurs envies et désirs cachés dans une société dont les « règles » (qu’on le veuille ou non…) continuent à être dictées par les hommes et pour les hommes. Il n’est pas rare d’entendre encore, de nos jours, qu’un homme (même marié) qui séduit beaucoup de femmes est un Don Juan et qu’une femme s’aventurant à agir de la sorte est… une salope ! Donc, lorsqu’une femme est en plus Homosexuelle… c’est toute la communauté hétérosexuelle qui, au moindre dérapage, n’hésite pas à prendre le prétexte de sa « différence » pour lui faire payer comptant ses erreurs ou, tout simplement, son courage et sa visibilité. Alors oui : On peut trouver Tina et Elena inactives mais… est-ce vraiment là une marque de passivité ?
Lors de votre interview pour ULTEC, vous expliquez que vous êtes " out " dans votre vie privée et familiale, mais pas au travail. C’est aujourd’hui le cas de nombreux homosexuels. Avez-vous déjà vécu des situations difficiles ? Avez-vous des conseils à donner sur le sujet ?
J’ai effectivement été victime d’homophobie sur mon lieu de travail dans les années 2000. Chasse aux « sorcières » à laquelle j’ai mis fin en démissionnant après dix-sept années de bons et loyaux services. Il suffit de peu parfois, d’une ou deux personnes assez bien placées pour que la compétence acquise, la productivité, la motivation et l’implication qui vous ont animée pendant toutes ces années soient réduites à néant. Comme je le disais plus haut « derrière les sourires façades plane… une haine silencieuse qui se révèle souvent dans la durée » car si, bien évidemment, rien n’est verbalisé (sous peine de poursuites…), le harcèlement moral prend alors toute l’ampleur de sa définition.
Donner des conseils sur le sujet ? Difficile. Tout dépend du milieu professionnel dans lequel on évolue. Quoi que… l’homophobie n’est pas sectaire ! Il faut rester vigilant. Comme je l’ai déjà dit dans une autre interview, aujourd’hui, j’ai décidé de tenir ma langue (même si certaines personnes sont tout de même au courant et arrivent à tenir la leur). Mon conseil sera donc le suivant : Avec un peu d’humour, de maturité et de distance, considérez-vous comme des actrices sur une scène de théâtre, ce qui, finalement se révèlera très riche d’enseignements sur les mentalités, les comportements et les idées reçues. Une bonne façon d’être aux premières loges pour agir « discrètement » à la source.
Dans "Retour de Flamme", l’un de vos personnages principaux est victime d’une agression homophobe. C’est un sujet rarement abordé aujourd’hui dans les romances. Pourquoi avoir voulu le traiter et pourquoi de cette manière ?
J’ai voulu aborder ce sujet parce que justement, personne n’en parle plus vraiment. Cela fait « cliché », dit-on… Certes, je veux bien l’admettre… mais comment occulter l’agression physique homophobe lorsqu’on écrit sur la difficulté de vivre sa différence, de l’assumer aux yeux du monde et d’acquérir de la visibilité ? Sans en faire le thème principal du livre, et comme je l’évoque dans le début de l’interview, j’ai donc choisi d’en parler comme une conséquence (en pointant du doigt la responsabilité de nos juges et bourreaux dans le déroulement de nos vies) et non comme une fatalité. Pour tout vous dire, cette partie de l’histoire a fait l’objet d’une grande discussion avec mon éditrice. En effet, dans les premières moutures de « Retour de Flamme » cette scène durait près de trois pages… Le personnage d’Alexandra se faisait traîner dans un local à poubelles, tabasser, taillader à la lame de rasoir et finalement violer par ses agresseurs. Le « cliché » parfait, je vous l’accorde, même si cette horreur est bel et bien arrivée à une de mes petites amies de l’époque (mais dans une forêt). Isabelle Le Coz m’a alors fait comprendre que j’étais en train de confondre « témoignage » et « histoire » et que pour éviter le fameux « cliché », je devais réapproprier l’évènement à son contexte. Ce qui fut dit, fut fait.
Vous travaillez à l’adaptation cinématographique de "Retour de Flamme". En quoi est-ce une manière différente d’écrire ? Avez-vous des contacts pour la réalisation ? Pensez-vous que le projet se concrétisera bientôt ?
J’ai effectivement toujours ce projet en tête. En 2010, KTM Éditions a reçu une proposition pour une « mise en image » de "Retour de Flamme" mais le projet a avorté. Depuis, les choses n’ont malheureusement pas avancé. J’ai personnellement quelques contacts dans le milieu de la Scénarisation et ai eu la chance de recevoir des conseils avisés en ce sens : formalisation, écriture et prospection. Il ne me reste plus qu’à faire. Malheureusement, 2011 a été une année très difficile dans ma vie personnelle et je dois avouer que le manque de temps (et d’énergie constructive…) ne m’ont pas laissé le loisir de concrétiser. Mais qu’à cela ne tienne : cela prendra le temps qu’il faut mais je n’abandonnerai pas ! La patience n’est-elle pas la reine des vertus ?
Que vous inspire l’actualité française actuelle quant à l’égalité des droits pour les LGBT ?
Je ne dirais qu’une chose : Administrativement, c’est fait. Le PACS, même s’il existe depuis plus de dix ans, permet enfin, depuis peu, d’avoir une égalité équivalente avec les couples hétéros : Abolition des droits de succession, plus d’obligation de vie commune pendant trois ans avant de pouvoir faire une déclaration d’impôts conjointe (ce qui était, à mon sens, une aberration et une stigmatisation parfaite de la différence), etc… Quand on sait, qu’entre 1999 et 2009, seulement 4% d’homosexuels se sont pacsés, c’est bien que cette « soi-disante égalité » promise et sensée révolutionner les mentalités sur l’homosexualité, n’était pas à la hauteur de son expression. C’est chose faite aujourd’hui. Alors : vive le Pacs ! Pour ce qui est de l’adoption, du droit à l’insémination, de la reconnaissance d’un deuxième parent du même sexe comme référent légal, je ne peux que cautionner, car là où il y a de l’amour, du désir et de l’engagement, il y a légitimité. Un seul point me laisse perplexe : le mariage. Même si, en ce cas précis, je considère cet acte comme un schéma hétérosexuel pour le moins sclérosant (et bafoué à souhait), je pense cependant qu’il est important pour chacun d’avoir le choix dans sa vie. Donc… même si ce système ne me convient pas, je donnerais ma voix à tout référendum sur le sujet.
Aujourd’hui, de quoi êtes-vous la plus fière ?
Même si parfois, le prix à payer a été « très cher », je suis fière de mes choix, de mon intégrité, de ce que je suis et ce que j’assume.
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