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Derrière le pseudonyme de Vida se cachent trois lesbiennes et une transsexuelle qui parlent de plusieurs endroits : l’Iran, l’Europe et les États-Unis. Des personnes courageuses qui osent dénoncer la condition des minorités sexuelles en Iran, mais suffisamment lucides pour ne pas le faire à visage découvert.
Votre roman, Le jardin de Shahrzad, nous fait découvrir l’Iran, un pays riche en histoire, en conflits et en beautés naturelles qui, aujourd’hui, semble être victime de ses propres paradoxes : une loi autorise le changement de sexe mais condamne l’homosexualité. Ce roman est pour nous, occidentaux, un précieux témoignage du quotidien de vos concitoyens.
Qu’est-ce qui, à l’origine, a motivé l’écriture de ce roman aujourd’hui publié en italien, en espagnol et en français mais inédit en persan ?
Ce n’est pas un roman proprement dit. À la rigueur on pourrait le définir comme un « roman vérité » car c’est un mélange de fiction et de réalité, qui utilise différents styles. Shahrzad est un personnage en partie imaginaire et en partie réel et la plupart des extraits de pages Internet et de blogs sont authentiques.
Ce projet est né après l’élection du président Ahmadinejad, en juin 2005. À l’époque nous formions déjà un petit groupe, mais nous ne nous étions jamais rencontrées. Nous étions un groupe virtuel, qui communiquait à travers un blog. Face à la vague de censure et de répression qui s’est abattue sur la communauté des bloggueurs et bloggeuses en Iran (le weblogestan), nous avons eu l’idée de publier un ouvrage collectif. Il fallait laisser une trace durable et, surtout, il fallait donner plus de visibilité à la communauté LGBTQ. Celle d’entre nous qui vit à Rome avait des contacts avec une maison d’édition italienne, voilà pourquoi le livre a été publié d’abord en Italie, un pays où l’homophobie est très forte, d’ailleurs.
Comment à notre époque est-il possible de vivre son homosexualité en Iran, pour qui ne veut pas s’exiler en occident ?
L’homosexualité est un des tabous les plus ancrés dans la société iranienne. La sexualité en soi n’est pas réprimée, au contraire elle est impérative, mais uniquement à l’intérieur du mariage entre un homme et une femme (ou plusieurs femmes, puisque la polygamie est légale en Iran !).
Le code pénal réprime durement l’homosexualité, qui est passible de la peine de mort, comme l’adultère. Depuis la révolution islamique de 1979, près de 4 000 homosexuels, la plupart de sexe masculin, ont été exécutés. Les lesbiennes en principe risquent moins, car elles sont moins visibles, comme partout dans le monde. Mais elles vivent une double oppression, en tant que femmes et en tant qu’homosexuelles.
Quant au changement de sexe, il est légal en Iran, mais souvent c’est une pratique coercitive pour les homosexuels, qui subissent toutes sortes de pressions pour se faire opérer et après ils sont de toute façon marginalisés.
Nous apprenons grâce à votre roman que la révolution Internet a permis la création d’une communauté homosexuelle, néanmoins existe-t-il aussi une communauté non virtuelle de personnes qui peuvent se retrouver entre elles sans craindre la répression du régime islamique ?
« Communauté », c’est un grand mot. Il existe de petits groupes informels de gays et de lesbiennes qui se donnent rendez-vous dans les salles de sports, les universités, les parcs.
À Téhéran, il existe un Internet-café fréquenté presque exclusivement par des lesbiennes, ce qui est en soi n’est pas dangereux, dans un pays où on tente d’imposer la ségrégation sexuelle. Mais il faut tenir compte du fait que beaucoup de personnes se cachent, non seulement par crainte d’être arrêtées, mais aussi à cause de la réprobation morale et sociale qu’elles subissent, surtout de la part de leurs familles.
Pensez-vous que cette dualité propre à l’Iran entre secret et visibilité sera un jour prochain résolue, malgré la période sombre dans laquelle semble s’enfermer votre pays ?
Cette dualité appartient à la civilisation orientale, c’est difficile de changer la mentalité des gens. Nous ne voulons pas nous débarrasser de notre culture, nous ne voulons pas forcément étaler nos choix sexuels, ce n’est pas ça qui nous intéresse. D’ailleurs, une certaine retenue est toujours souhaitable en Iran, lorsqu’il s’agit d’amour et de sexualité ! Tout ce que nous demandons, c’est de pouvoir nous aimer sans risquer la prison, les coups de fouet et même la pendaison.
Les préceptes de l’Islam sont-ils réellement contraires à l’homosexualité et à la transsexualité ?
Le Coran interdit explicitement l’homosexualité, mais certaines interprétations de juristes religieux sont plus ouvertes.
Peut-on à la fois être croyante et homosexuelle ?
Nous avons beaucoup discuté sur ce point à l’intérieur de notre petit groupe, car l’une d’entre nous – celle qui a changé de sexe en Iran - est croyante et pratiquante, elle prie plusieurs fois par jour et observe le ramadan. Mais elle croit, comme beaucoup d’autres personnes en Iran, que pour faire la volonté de Dieu et du Prophète, il faut être capable d’aimer un point c’est tout, peu importe l’objet de cet amour. C’est la preuve que l’on peut être à la fois croyant et homosexuel. Ceci ne vaut pas seulement pour l’Islam, mais pour toutes les religions. Nous croyons que la foi devrait être une affaire personnelle et que le gouvernement n’a pas à se mêler de ça. Malheureusement, le régime islamique iranien ne l’entend pas de cette façon.
La jeunesse moderne de votre pays a paru un temps se révolter contre le régime en place. Pensez-vous qu’aujourd’hui les jeunes Iraniens et Iraniennes sont suffisamment informé(e)s grâce à Internet, pour pouvoir contrer un régime islamique de plus en plus puissant ?
Les jeunes et les femmes ont toujours été le moteur du changement et du combat pour la démocratie en Iran. Le mouvement des étudiants a été écrasé après les émeutes de juillet 1999, mais il est prêt à renaître de ses cendres, comme le Phénix. Et les femmes n’ont jamais cessé de se battre pour leurs droits, comme le prouve le succès de la campagne One million signatures lancée par le prix Nobel Shirin Ebadi. En fait les femmes – surtout les filles et surtout les lesbiennes – n’ont rien à perdre : voilà pourquoi aujourd’hui d’une certaine façon le mouvement féministe a une plus grande visibilité, bien que les arrestations de jeunes militantes sont presque à l’ordre du jour. Bien sûr, l’Internet joue un rôle essentiel, malgré la censure.
Comment au XXIe siècle les jeunes homosexuel(le)s iraniens vivent-ils leur sexualité ?
Pour peu qu’ils ne soient pas harcelés au point de devoir fuir de l’Iran et demander l’asile politique à un pays occidental, ou riches au point de pouvoir aller de temps en temps respirer un bol d’air à l’étranger, les jeunes s’arrangent comme ils peuvent. Généralement, ils cachent leur homosexualité à leur famille et à la société, parfois ils se marient et mènent une double vie pour avoir la paix. Ceci arrive aussi aux jeunes qui font partie de la diaspora, aux États-Unis ou en Europe, car les Iraniens ont une mentalité très conservatrice. Mais eux, au moins, peuvent accéder librement au Net et le réseau international de la communauté LGBTQ est un moyen de communication et de soutien essentiel.
Existe-t-il des associations ou une communauté d’entre-aide pour ces jeunes-là ?
Pas en Iran, naturellement. Il y en a aux États-Unis, surtout en Californie. En Europe il y a quelques sites et des blogs qui ont cette fonction.
Quel est le premier ouvrage lesbien, ou à connotation lesbienne, que vous ayez lu ?
V : Les poèmes de Sappho.
I : "Le deuxième sexe" Simone de Beauvoir.
D : Sappho.
A : "Orlando" de Virginia Woolf.
Interview réalisé par Kristel. pour le site L-editorielle.com
Comment être Iranienne et lesbienne, tel est le dilemme auquel est confrontée Shahrzad. Après onze années passées en Italie, la voici, à...