Champ, contrechamp

" (...) Lire une BD, je n’y avais pas vraiment songé. Mes yeux reviennent machinalement sur le décolleté de l’héroïne, mon interlocutrice me sourit de nouveau en refermant l’album. Le décolleté lui appartient.
— Le premier tome de l’histoire est en présentation sur votre gauche, il s’agit du Cycle de Cyann : La Source et la Sonde. Ça pourrait être un bon début pour apprendre à aimer la BD.
— Je ne sais pas. On verra. Merci du renseignement.
Elle me fixe, en rassemblant ses CD, avec la même attention enjouée. Elle ressemble à l’héroïne de la BD, sans le décolleté ni le short court — ce n’est pas la saison —, il y a peut-être une similitude dans les yeux. Elle me salue poliment, puis disparaît dans la foule des lecteurs en m’adressant un ultime geste de la main. (...) "

" (...) L’eau chaude et douce me détend. Et bientôt le visage d’Eva s’invite dans mon esprit. Ses yeux, son sourire, sa voix, ses mains, mon cœur bat au rythme des détails qui défilent derrière mes paupières closes. Je glisse lentement vers une ébauche de fantasme, immobile et concentrée sur ce que je ne mesure ni ne comprends. Deux coups frappés à ma porte interrompent brutalement cette dérive incontrôlée. Je me retrouve dans mon bain, les joues en feu, la tête à l’envers. J’entends la voix de Marie-Jeanne qui me parle du couloir.
— Mathilde, je peux entrer . (...)"

" (...) Nous retrouvons la fraîcheur de la rue qui semble calmer, en apparence du moins, nos esprits échauffés par la proximité échangée dans le bar. J’accroche mon bras à celui d’Eva, nous marchons lentement l’une contre l’autre, une évidence de plus. Nos pas s’arrêtent un instant, aux abords d’un passage pour piétons avec bonhomme rouge. Je dégage doucement mon bras pour passer ma main dans son dos, entre pull de laine et tee-shirt en coton. Elle frissonne. Les tee-shirts aussi peuvent s’apparenter au papier à cigarette. Le bonhomme passe au vert, le passage piétons disparaît, nos chaussures restent fixées au trottoir, nos regards se croisent pendant cent ans et la cent et unième année, nos lèvres se trouvent, nos langues se rencontrent pour des siècles et des siècles… Amen. (...) "

" A suivre (…) "